Depuis 1945, la France a connu pas moins de 118 réformes touchant l’immigration. Ce chiffre illustre l’ampleur et la complexité d’un sujet qui suscite des débats récurrents au sein de la société française. Aujourd’hui, un nouveau projet de loi s’apprête à s’ajouter à cette longue liste de textes, faisant ressurgir plusieurs interrogations. D’une part, la question de l’accueil et de l’intégration des étrangers continue de diviser les responsables politiques ; d’autre part, les enjeux économiques et démographiques sont régulièrement invoqués pour justifier une refonte des règles.
Selon les observateurs, l’aboutissement de cette nouvelle réforme dépend en grande partie du compromis que le gouvernement trouvera avec les différentes forces politiques. Si certains y voient une opportunité pour mieux organiser les flux migratoires et renforcer l’attractivité du pays, d’autres critiquent une logique jugée trop sécuritaire ou, au contraire, trop permissive. Au-delà de l’aspect législatif, le débat met en lumière la place que la France souhaite réserver aux étrangers dans son tissu social et son marché du travail.

L’immigration légale, exigeante mais durable
Dans ce domaine, l’État dispose avant tout d’un levier : celui des conditions d’entrée régulière sur le territoire. Les décisions prises pendant la seconde moitié du XXe siècle ont ainsi remodelé en profondeur la nature de l’immigration en France.
Après la Seconde Guerre mondiale, le flux migratoire était majoritairement composé de travailleurs étrangers participant à la reconstruction du pays. L’essor du chômage de masse, dans les années 1970, a cependant entraîné la suspension de l’immigration de travail par Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Bien que la fermeture des frontières n’ait jamais été totale, l’accès à l’emploi pour les travailleurs étrangers s’est progressivement durci. Ainsi, le nombre de titres de séjour délivrés est passé de 175 000 en 1970 à 50 000 en 2022, marquant le passage d’une immigration essentiellement temporaire à une immigration dite de peuplement.
Un tournant vers l’immigration « choisie »
Depuis la fin des années 2000, on note toutefois un infléchissement : sous l’égide de l’« immigration choisie », des mesures spécifiques facilitent à nouveau la venue de travailleurs dans les secteurs économiques en tension.
La nationalité française : un accès plus complexe
Bien que le droit du sol demeure un pilier historique, les voies permettant d’acquérir la nationalité française – par mariage ou par ancienneté – se sont considérablement restreintes. La naturalisation, au cœur du parcours d’immigration, confère à l’étranger la citoyenneté française et les droits qui y sont liés (résidence, vote, etc.). Elle cristallise depuis longtemps les débats, entraînant des réformes législatives successives.
La question la plus sensible reste celle du droit du sol : accorder automatiquement la nationalité aux enfants de la deuxième génération nés en France. Contesté par une frange de la droite, ce droit, consacré à l’époque de la IIIe République, a déjà subi des reculs notables. Entre 1993 et 1998, le régime Pasqua imposait à l’enfant de formuler explicitement la volonté de devenir français. En 2018, le droit du sol a été partiellement amputé par les macronistes à Mayotte : un parent doit désormais y résider depuis au moins trois mois au moment de la naissance. Ces mesures, dont certaines ont été censurées par le Conseil constitutionnel, sont régulièrement remises sur la table dans le cadre de nouvelles lois, illustrant l’orientation plus restrictive défendue par le ministère de l’intérieur.
Source :
Article inspiré de « Une nouvelle loi sur l’immigration qui s’ajoutera à une longue série de 118 textes depuis 1945 » (Le Monde, 14 octobre 2024) :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/10/14/une-nouvelle-loi-sur-l-immigration-qui-s-ajoutera-a-une-longue-serie-de-118-textes-depuis-1945_6218454_4355771.html